2005 - LE BONHEUR DE CRÉER
Article Paru dans STARGATE Magazine (p 42 à 45) Sciences de l'extra ordinaire N°11 (août-septembre 2005)
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Créer
Peindre est devenu pour moi un moyen de découvrir le chemin qui mène à l'univers intérieur. Quand le processus de création est actif, le temps et l'espace paraissent se modifier. Une conscience émerge en une nouvelle énergie dans laquelle l'information exacte semble se manifester. L'effet que je ressens est comme une grande accélération de la pensée. Tout devient beaucoup plus clair et plaisant.
Détail de "La porte de Jade" © François SCHLESSER
Ce que j'aime le plus dans ce processus, c'est cette paix intérieure qui surgit quand je suis réellement parvenu à déconnecter de la réalité ordinaire. Quelque chose d'autre prend le pas sur la continuité des moments, faisant éclater le temps en de nouvelles valeurs adaptées aux besoins de créativité. Le temps se dilate, une énergie se manifeste, accompagnée souvent d'une joie dans laquelle semble être contenue une extraordinaire connaissance universelle. Même l'espace paraît affecté par cette "connexion" impossible à contrôler. Cette énergie bénéfique me régénère. Elle est mon sanctuaire, ma référence, mon guide et mon bien-être. Dans cette sensation d'éternité, le temps s'étire et l'espace s'adapte, exactement comme dans la fameuse théorie de la relativité. Alors, le génie se manifeste, émergeant de je ne sais où, pareil à un cheval fou galopant dans l'immensité de l'infini, comme s'il était contenu dans la vibration fondamentale de l'univers.
Le bien être et la joie sont des signaux. Pour moi, ils indiquent que tout ce que je fais dans le présent est conforme au plan de la création de l'univers. Ils sont des manifestations du futur apportant, sous forme de sensations présentes, les conséquences anticipées des attitudes du moment. C'est une communication directe avec le présent éternel qui informe que l'état d'être complet vient de générer, dans une branche de l'espace-temps, la tendance positive à une construction collective de l'univers.
Détail de "La porte de Jade" © François SCHLESSER
L'impulsion
Il y a quelques années, ma raison fut plusieurs fois interrompue par des chocs psychologiques intenses, ce qui provoqua des ruptures dans la continuité de mon entendement rationnel. Je pus grâce à ça, percevoir des moments étranges où un silence intérieur se produisait à la suite d'un effondrement momentané du mental. On peut parvenir au silence intérieur par une technique liée à une initiation spirituelle, mais un choc de la raison provoqué par des évènements inattendus peut amener également le mental à s'interrompre quelques courts instants. Une brèche s'ouvre alors vers d'autres dimensions dans lesquelles une sorte de conscience universelle est perceptible. Dans cet état, qui est d'autant plus fort quand le mental est presque anéanti, je vis clairement émerger des inspirations qui m'incitèrent fermement à vivre ma vérité. J'eus la certitude absolue que je pouvais désormais peindre. Cette certitude me fit passer à l'acte après avoir eu la confirmation, rien qu'à la vue d'une toile de maître dans un musée, que je pouvais m'exprimer. Le temps de tout préparer, je commençais directement ma première toile sans avoir aucune notion de la peinture à l'huile, ni de sa technique, ni de la couleur. Tout ce qui m'animait était la foi en le fait que ça allait bien se passer puisque j'en étais étonnamment certain. Ma première toile m'enthousiasma et me confirma la réalité de cet étrange sentiment.
Les visions
Depuis, des visions intérieures se précisèrent. Je pouvais déjà traiter sur toile beaucoup de thèmes. La certitude inflexible que j'avais à propos de ma possibilité de peindre était renforcée par la qualité des visions qui se manifestaient. Finalement, pensais-je, je n'avais plus qu'à les recopier sur la toile, mon imagination et ma mémoire m'aidant à les fixer sur le support.
Je crois que je ne peux peindre que lorsque j'ai un modèle à reproduire. Ce modèle peut exister dans la réalité spatio-temporelle, se manifester sous forme de visions intérieures, être le résultat d'une construction mentale, ou encore résulter d'un mélange de toutes ces possibilités. Mais dans tous les cas, l'artiste doit en avoir un pour exécuter son œuvre. Sans modèle, le pinceau n'avance pas, la toile reste blanche.
Je commençais donc par représenter l'espace, me sentant aspiré par cette immensité incommensurable où la vie foisonne, où des centaines de milliards de mondes, tous uniques, naviguent aux rythmes des marées gravitationnelles, bercés par la lumière de l'infini.
Ma peinture fut d'abord marquée par le surréalisme symbolique. Puis, prenant conscience que le symbole était de toute façon intrinsèque à toute œuvre, j'abandonnais rapidement la représentation intellectuelle pour me lancer dans ce que j'avais le plus envie de créer. Je me mis donc à peindre des mondes lointains, inhabituels, parfois semblables à ceux que l'on aperçoit dans l'espace mais sous des angles qui pourraient être perçus par des créatures dotées de sens complémentaires. Je recopiais mes rêves nocturnes et mes visions fugaces de l'état de veille, ou du moins je m'en inspirais, car certaines visions étaient mouvantes et très difficiles à mémoriser.
La causalité
Parfois, j'ai l'impression que mes peintures sont le produit de voyages transdimensionnels qui se révèlent sur la toile en des fragments d'énergie se métamorphosant en images concrètes. Pour que le phénomène de vision se manifeste, il faut bien que des informations sensorielles s'assemblent sur un écran intérieur de manière cohérente. Ces informations pourraient très bien être transmises, via de l'énergie en mouvement, par une sorte de mémoire résurgente en provenance de l'univers, qui serait filtrée et véhiculée par l'activité créatrice du mental dans une proportion liée à l'individualité. L'idée d'une mémoire universelle contenue dans le substrat même de l'univers me semble de plus en plus probable. Cette mémoire de l'infini serait tellement prodigieuse qu'elle aurait la capacité naturelle à avoir conscience d'elle-même. C'est en tout cas ce que ma peinture me suggère depuis le début. La physique quantique à déjà mis le doigt sur cette mémoire sans le savoir, me semble-t-il. Il serait logique que l'univers ait besoin d'enregistrer en permanence le déroulement total de sa propre dynamique multi-spatio-temporelle. Cet enregistrement perpétuel lui servirait de fondation pour que puisse continuer à se bâtir indéfiniment son expression multidimensionnelle. Cette mémoire serait en quelque sorte son Esprit/ADN, et nous aurions chacun la possibilité de s'y connecter pour prendre l'information exacte correspondante à notre évolution idéale personnelle, nous rapprochant ainsi d'une loi d'harmonie universelle. Étant réglée sur les rouages de l'univers, la réalité découlant de nos attitudes et de nos comportements individuels tendrait certainement vers une harmonie collective supérieure. De nouvelles réalités apparaîtraient, cran par cran, remodelant totalement la configuration énergétique de notre monde. Notre mode de vie collectif serait basé sur la perception intuitive de l'information exacte, toujours distribuée au bon moment, grâce à cette mémoire intelligente où futurs et passés de l'histoire complète des mondes semblent contenus.
La vibration de l'éternel
La peinture est un Art extraordinaire en ce sens qu'elle permet de développer son acuité sensorielle. En entrant dans le processus créateur, tous les sens sont sollicités. Peindre oblige à observer, contempler, percevoir en profondeur, donc communiquer avec l'énergie universelle. Au début, je commence par "regarder", puis vient l'instant où je "vois", où je sens. D'une certaine manière j’entends chuchoter l'infini, puis parfois j'entre en communication avec la matrice des mondes.
Peindre m'a apporté la compréhension automatique et intuitive du principe vibratoire, simplement parce que j'utilise une gamme de couleurs que j'aime éparpiller sur une toile. Emporté par les révélations des univers qui émergent de mon œuvre, un jour, je compris clairement que la peinture était la musique des yeux. Pendant que mon pinceau volait par-dessus les brumes galactiques, je compris que l'univers jouait une symphonie dont chaque note était un élément clé, que chaque galaxie était un accord joué par une quantité incalculable d'instruments vibratoires que sont les éléments qui la constituent à toutes les échelles de grandeur. Je compris que l'univers entier était un chant composé en une infinité de notes multidimensionnelles, et que, de cette symphonie inexprimable de beauté, l'univers en était lui-même le principe créateur, que sa conscience globale avait la capacité à en percevoir la merveille, ce qui le plongeait en permanence dans une extase infinie et éternelle. Je me demandais alors, si, étant un Esprit extatique doté d'une conscience immédiate de la mémoire infinie de toutes choses, comment pourrait-il ne pas connaître et ne pas aimer quelque chose infiniment ? À ce moment précis, pendant que mon pinceau glissait sur la toile, j'entrais en extase. Je venais d'avoir ma réponse. Je contemplais ma toile qui émergeait des profondeurs de la conscience tel un oracle directement issu de l'océan des multitudes. L'univers était bien une poésie incommensurable où se jouait le plus grand des chants d'amour, j'en étais absolument certain. J'étais dans un bonheur ineffable.
Détail de "Locéan des Multitudes" © François SCHLESSER
Je crois que nous sommes les enfants de ce principe créateur père/mère de toutes vies. Nous méritons assurément d'être connecté en permanence à la force de ce principe car nous faisons partie de lui. Nous sommes chacun une expression unique de ce principe, et nous devons le représenter sur terre en l'exprimant de manière naturelle, chacun en étant "soi-même" tout simplement. Voilà ce que me raconte ma peinture.
© François SCHLESSER 13 juin 2005
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